Depuis que l'échange tendu entre le Président Ukrainie, Volodymyr Zelenskyy, et son homologue américain, Donald J. Trump, les États-Unis se désengagent du conflit russo-ukrainien, la question du réarmement de l'Europe est sur toutes les lèvres. Après de longues heures de débats et une multitude de déclarations contradictoires, il est temps de faire le point sur les options envisagées par le gouvernement français.

Les Options de Financement du Réarmement

Pour augmenter le budget de la Défense de 2 à 5 % du PIB soit de 50,5 à 90 milliards d’euros sans alourdir la dette ni compromettre notre modèle social, le présidente de la république française lance un appel fort :

La patrie a besoin de vous.

Emmanuel Macron
Président de la République Française

Voici quelques pistes envisagées :

  • Exploiter le taux d’épargne record des Français : Rediriger une partie des 1 300 milliards d’euros déposés sur les livrets réglementés, des 750 milliards en comptes courants et des 2 000 milliards d’assurance-vie.
    Problème :Une idée récurrente, systématiquement rejetée par le Conseil constitutionnel, qui estime qu’elle n’a pas sa place dans une loi de finances. De plus, pourquoi favoriser l’armement alors que d’autres secteurs, tels que l’agriculture ou l’énergie, peinent également à survivre ? Les critères ESG compliquent encore la donne.
  • Créer un livret d’épargne spécifique au financement de l’armement :
    Problème :Trouver le juste équilibre entre des taux suffisamment bas pour séduire les industriels de la défense et suffisamment attractifs pour convaincre les épargnants reste un défi majeur, d’autant que la réglementation bancaire pourrait freiner son déploiement. Le précédent Plan Épargne Avenir Climat, lancé par l’État, n’avait d’ailleurs pas rencontré le succès escompté.
  • S’adresser directement aux Français : Comme lors de la Seconde Guerre mondiale ou du plan Balladur qui avait permis de lever 40 milliards de francs (environ 10 milliards d’euros actuels) en échange d’intérêts garantis et d’avantages fiscaux.
    Problème : L’enjeu demeure de susciter l’adhésion des Français. Néanmoins, beaucoup sont à l'encontre de ce projet. Ce qui rend cette solution délicate à mettre en œuvre.
Et l'épargne des français dans tout ça ?

Cette manœuvre du gouvernement, et pas des moindres, a suscité de vives critiques de la part des français, qui craignent que leurs fonds d'épargnes soient saisis par le gouvernement afin de financer, un terme que nous n'avons pas l'habitude d'entendre : l'effort de guerre.


L'Etat ne peut pas se saisir de l'argent des Français sur leur compte en un claquement de doigts

Jérôme Rusak
Président du cabinet L&A Finance

Impact sur les Marchés

La perspective de rediriger une partie massive de l’épargne nationale vers le financement du réarmement a des répercussions notables sur les marchés financiers. Les investisseurs surveillent de près cette manœuvre, qui pourrait modifier les flux de capitaux traditionnels.

Certains analystes voient d’un bon œil ce rééquilibrage, estimant qu’il pourrait stabiliser les investissements à long terme. Comme le souligne l’analyste financier Marc Lefèvre :


La réorientation de l’épargne vers le réarmement crée une dynamique inédite, bien que temporairement perturbatrice, sur les marchés financiers européens.

Marc Lefèvre
Directeur chez Scope Group | Source

D’autres, craignent cependant que cette démarche n’entraîne une volatilité accrue et une incertitude quant aux performances des secteurs traditionnels, particulièrement dans un contexte déjà marqué par des tensions géopolitiques.

Cours S&P 500
Au vu de la tendance baissière illustrée par ce graphique du S&P 500, on constate un certain repli de la confiance des investisseurs, possiblement lié à plusieurs facteurs géopolitiques et économiques. Le réarmement accéléré de l’Europe, encouragé par la montée des tensions internationales et le désengagement partiel des États-Unis, suscite des interrogations sur la répartition future des capitaux.

D'une part, l'Europe se voit obligée de renforcer ses moyens en matière de défense, une stratégie qui pourrait détourner une part significative de l'épargne et des investissements vers ce secteur, au détriment de marchés traditionnels, y compris ceux des États-Unis. Par ailleurs, la diminution relative de l'implication militaire et financière des États-Unis pousse les acteurs économiques à reconsidérer les risques et les opportunités au niveau mondial.

Le S&P 500, indicateur clé de la confiance et de l'évolution des marchés aux États-Unis, illustre en partie cette montée de la prudence : les investisseurs deviennent plus sélectifs et prévoient une phase d'incertitude concernant la stabilité financière et la distribution des dépenses publiques à l'échelle mondiale. Cette situation, qui allie renforcement de l'armement en Europe et repositionnement américain, pourrait persister à influer sur les mouvements de capitaux et le rendement des indices boursiers dans les mois futurs.

Analyse et Perspectives

L’interaction entre l’évolution de l’épargne et les ambitions de réarmement révèle des enjeux stratégiques profonds. D’un côté, le redéploiement des économies individuelles souligne la résilience des Français face aux incertitudes économiques. De l’autre, la volonté de renforcer la défense européenne met en exergue le défi du financement de cette transformation sans compromettre la stabilité financière.

Les débats se poursuivent et les ministres de l’Économie et de la Défense, accompagnés d’investisseurs, de banquiers et d’assureurs, se réuniront le 20 mars 2025 pour évaluer ces options. Une chose est sûre : l’avenir de la politique de réarmement et de l’épargne nationale se jouera dans les mois à venir.


Hedger Project continuera de suivre ces évolutions de près, offrant des analyses détaillées pour éclairer ses lecteurs sur ces enjeux déterminants.


Photo de l'auteur
Hamza El Mezragui